Penser la démocratie : retrouver le conflit, habiter la contradiction, réinventer la parole


Par Christophe Pruvot

Il ne s’agit plus de s’interroger sur la fragilité des démocraties : elle est là, patente, presque désespérante. Il ne s’agit plus de débattre de sa vitalité : elle vacille. Reste une certitude, maigre mais tenace : la démocratie est à défendre non comme un système, mais comme une dynamique inachevée. Un processus qui demande d’être pensé, partagé, ressaisi sans cesse.

Les grands penseurs, eux, alertent. Ils disent le malaise, le désenchantement, le désengagement. Mais aussi les possibles, les brèches, les réveils.

Une démocratie qui ne se réforme plus, par peur de se révolutionner

Cynthia Fleury1 nous met face à une vérité crue : notre modèle démocratique est malade, replié sur lui-même, incapable de se réformer sans trembler devant le spectre de la révolution. La peur de la Terreur a figé l’élan démocratique. On confond transformation et chaos, débat et violence. Alors on se tait, ou on délègue. Et le politique se délite.

Mais le monde, lui, continue à bouger. La société civile prend sa place, invente, s’organise. C’est le passage du gouvernement à la gouvernance. Ce n’est pas forcément une victoire. Cela traduit surtout un retrait du politique, un renoncement à porter une vision commune, à affronter les tensions qui traversent nos sociétés.

Une parole confisquée, une compétence déniée

Le débat public est devenu une affaire de techniciens. Jacques Rancière2 nous le rappelle : la démocratie n’est pas la représentation, mais la capacité de chacun à prendre part aux affaires communes. Et ce que nous appelons démocratie est bien souvent un art de la confiscation : experts, élus, professionnels tiennent la parole, structurent l’espace de la discussion, balisent ce qui peut ou non être dit.

Or la démocratie, si elle est véritable, invente ses formes, bouleverse les habitudes, désorganise l’ordre établi. Elle ne se satisfait pas de protocoles : elle surgit, interroge, gêne, transforme.

L’éducation populaire comme contre-pouvoir

C’est dans ce vide, dans ce silence organisé, que l’éducation populaire vient redonner voix. Christian Maurel3 parle d’une démocratie qui commence quand les citoyens comprennent et agissent sur les choses. Comprendre les enjeux, peser sur les décisions, questionner la légitimité. Non pas seulement voter, mais interpeller, contester, proposer, s’organiser.

Là est la mission profonde de l’éducation populaire : refaire de la politique une affaire de tous, redonner aux citoyens le droit élémentaire d’interroger la chose publique. Pas d’unanimité. Pas de consensus mou. Du conflit. De la contradiction. Du débat vivant.

Car oui, la démocratie est aussi conflit. Et la crise du politique, aujourd’hui, est peut-être d’abord une crise du désaccord empêché.

Une démocratie sans parole commune

Loïc Blondiaux4 et Hélène Balazard5 alertent à leur tour : le citoyen est isolé, réduit à l’impuissance. Le pouvoir circule entre professionnels, selon des logiques d’appareil. Le peuple regarde, commente, s’indigne parfois — mais rarement il participe, rarement il co-décide. Le dialogue est un simulacre. L’écoute, une mise en scène.

Et pourtant, la démocratie ne peut être réelle que si elle reconnaît à chacun un droit d’interpellation, un droit de regard, un droit à la désobéissance constructive.

Une barbarie douce, une modernité sans espérance

Jean-Pierre Le Goff6 nomme ce que d’autres taisent : une barbarie douce, une société qui demande à chacun de s’adapter à un monde qu’il ne comprend pas, qu’il ne maîtrise plus, qu’il subit. Le pouvoir politique ne promet plus rien : il gère. Il nous demande de survivre, de performer, de rester compétents. Mais il ne propose plus d’horizon, plus de sens, plus de désir.

La démocratie devient gestion. La modernité devient adaptation. La parole devient langue de bois.

Et avec elle, la société se dépolitise. Ce n’est pas un complot : c’est une usure. L’érosion lente d’une parole qui ne fait plus monde.

Coopération, conflit et dignité

Il faut réhabiliter le conflit. Pas la guerre. Pas la haine. Le désaccord fécond, le débat véritable, le frottement des idées. Monique Canto Sperber7 introduit une notion précieuse : la coopération, non comme outil d’harmonie forcée, mais comme manière de construire ensemble, dans la reconnaissance des différences. Coopérer sans nier les divergences. Coopérer sans dissoudre les positions. Coopérer pour penser ensemble un monde en construction.

Car la démocratie n’est pas consensus. Elle est reconnaissance mutuelle dans l’inachèvement, dans la dignité, dans la différence assumée.

Réhabiliter la contradiction, redonner corps à la délibération

Et si nous revenions à Paul Ricoeur8 ? Sa définition reste une boussole précieuse :

« Est démocratique une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt, et qui se fixe comme modalité d’associer à parts égales chaque citoyen dans l’expression, l’analyse et la mise en délibération de ces contradictions. »

C’est clair, limpide, exigeant. Être démocrate, ce n’est pas faire l’unanimité. C’est habiter le désaccord, ensemble.

Vigilance, création et réinvention

Alors oui, Kant9 nous invite à la vigilance. À refuser toute forme de despotisme, même démocratique, même républicain. Car la volonté générale peut trahir la diversité des volontés singulières. Et parce que l’exercice du pouvoir ne saurait être monopolisé par ceux qui savent, qui décident, qui expliquent.

Il nous faut inventer d’autres formes d’expression pour toutes les personnes, d’autres formes d’exercice du pouvoir. Celles qui émergent dans les collectifs, dans les assemblées citoyennes, dans les coopérations de quartier, dans les luttes locales, dans les écoles de rue, dans les groupes de réflexion partagés.

C’est dans les marges que la démocratie retrouve parfois sa vitalité. Dans ces lieux où la parole circule sans être autorisée, où le débat se fait sans médiation, où l’idée d’égalité ne se déclame pas, mais se pratique.

Une démocratie à défendre, mais surtout à créer

La démocratie ne se protège pas comme un monument. Elle s’exerce, se dispute, se construit, se vit. Elle ne descend pas des institutions : elle monte du quotidien, elle surgit dans l’écoute, le désaccord, la parole partagée, la capacité d’espérer ensemble.

Elle n’est pas derrière nous. Elle est devant. Inachevée. Fragile. Puissante.

La pédagogie sociale : une démocratie qui s’invente, qui se vit, qui se pense

Il y a dans la pédagogie sociale une proposition politique radicale : faire de l’éducation un espace de démocratie réelle. Pas une démocratie de façade, avec des consultations formelles et des boîtes à idées. Une démocratie du quotidien, incarnée dans les pratiques, dans les décisions prises ensemble, dans la manière même d’habiter le collectif.

Nous le savons : la participation institutionnelle n’est pas la démocratie. Trop souvent, elle n’est qu’un décor : on consulte, on invite, on encode les avis. Mais les décisions sont déjà prises. Le cadre est verrouillé. La parole est filtrée. Et l’invitation à devenir « acteur » cache une autre injonction : celle de résoudre soi-même les problèmes que l’on subit, comme si les inégalités étaient une affaire individuelle, un manque d’investissement personnel.

La pédagogie sociale refuse cette mise en scène. Elle ne demande pas l’adhésion à un projet préconçu. Elle ouvre les possibles, libère les pratiques, relie l’action à la pensée, l’expérience à la critique.

Elle crée, très concrètement, des espaces de démocratie vivante, en marge des formes classiques de délibération.

En pédagogie sociale pour créer des lieux d’expression libre et quotidienne

Parce que la démocratie commence par la parole, la pédagogie sociale aménage des temps pour parler sans hiérarchie, sans crainte, sans filtre.

Un simple « quoi de neuf ? » chaque matin dans une structure d’accueil, autour d’un café partagé, devient un geste profondément politique. On y parle de soi, de ses joies, de ses colères. On y apprend à écouter l’autre, à entendre ce qui nous échappe. On y sème du commun. La parole circule, la mémoire collective se construit.

De même, les briefs du matin ou de la semaine, les débriefs après une action, les assemblées de terrain, les conseils coopératifs d’enfants ou d’adultes, ne sont pas des réunions techniques. Ce sont des exercices concrets de démocratie populaire. On y planifie, on y décide, on y critique, on y ajuste. On ne consulte pas : on fait avec. On ne reproduit pas le fonctionnement pyramidal : on expérimente une organisation horizontale, responsable, dialogique.

Et lorsqu’on propose un débat à visée philosophique, on ne cherche pas à enseigner une doctrine. On donne aux personnes la possibilité de penser par elles-mêmes, de douter, de conceptualiser, d’argumenter. C’est un geste de libération intellectuelle.

L’appropriation en pédagogie sociale : faire démocratie, c’est s’organiser ensemble pour agir

Dans un monde dominé par l’individualisme compétitif, par la logique du chacun pour soi, la pédagogie sociale pose une alternative concrète : la coopération.

Coopérer, c’est plus qu’agir ensemble. C’est gérer collectivement la vie quotidienne, les choix techniques, les enjeux logistiques, les orientations symboliques et morales. Dans une structure en pédagogie sociale, les rôles sont partagés, les responsabilités sont proposées à toutes et tous, quels que soient l’âge, le parcours, le bagage scolaire ou la situation sociale.

Ce n’est pas une pédagogie de la délégation, mais une pédagogie de l’appropriation.

On n’attend pas que les personnes soient « prêtes ». On ne les « prépare » pas à la citoyenneté. On les reconnaît déjà compétentes, déjà capables, déjà légitimes à penser, à organiser, à décider.

La pédagogie sociale propose de refuser les fatalités et de faire émerger le conflit

Nous vivons dans une époque où les décisions sont présentées comme inéluctables. On ne promet plus : on annonce. Le débat n’est plus permis. La démocratie devient une procédure sans contradictions, un exercice aseptisé sans tension.

La pédagogie sociale, elle, réhabilite le conflit. Elle ne cherche pas la paix sociale à tout prix, mais l’émancipation par la confrontation des idées. Elle invite à l’analyse critique, à la remise en question, à la capacité de dire non. Elle refuse les dominations : patriarcales, néolibérales, institutionnelles. Elle ne reproduit pas les hiérarchies : elle les interroge.

Et en cela, elle politise. Elle politise le quartier, l’école, le centre social. Elle refuse le repli gestionnaire. Elle refuse d’être l’alibi éducatif d’une politique sans ambition sociale.

Le pédagogue social comme voix collective

Dans ce processus, le pédagogue social n’est pas un animateur. Il est un passeur, un veilleur, un porte-voix. Il parle avec, il agit avec, il réfléchit avec. Et quand il le faut, il parle pour — non pour confisquer, mais pour faire entendre ce qui est tû, ce qui est tué.

Il crée des contre-pouvoirs, des espaces de respiration, des zones d’expérimentation. Il permet à d’autres formes de démocratie de surgir, hors des protocoles, hors des normes.

Son rôle est profondément politique. Il ne se contente pas de gérer : il transforme, il questionne, il relie.

Il existe en pédagogie sociale une foi en la démocratie vivante

Nous croyons, profondément, que la démocratie ne se résume pas à une procédure électorale. Qu’elle ne vit pas seulement dans les hémicycles. Qu’elle doit habiter le quotidien, les relations, les projets partagés.

C’est ce que nous faisons, chaque jour, en pédagogie sociale. Nous inventons, nous pratiquons, nous réfléchissons la démocratie. Nous la vivons non comme un modèle à imiter, mais comme une utopie en acte. Une manière de croire que vivre ensemble peut encore être un projet commun, une espérance lucide, un espoir obstiné.

La pédagogie sociale propose des temps démocratiques pour habiter le collectif

La démocratie ne se décrète pas. Elle ne s’enseigne pas en discours. Elle se pratique, se répète, se vit. Elle s’apprend par l’usage, par la confrontation douce, par l’écoute, par la prise de parole organisée. En pédagogie sociale, nous n’attendons pas un moment institutionnel pour faire démocratie. Nous l’installons au cœur du quotidien, dans des temps rituels, concrets, accessibles à toutes et tous.

Ces temps ne sont pas des parenthèses. Ils sont le socle vivant du vivre-ensemble. Ils permettent à chacun de comprendre, d’agir, de proposer, d’être entendu. Ils structurent une vie collective qui n’est pas subie, mais construite en commun.

Voici quelques-unes de ces formes de démocratie active, modestes mais transformatrices :

Le “quoi de neuf ?” : un rituel d’expression quotidienne

Chaque matin, autour d’un café, dans un coin du centre ou sur le trottoir, nous ouvrons l’espace par cette simple question : « Quoi de neuf ? »

C’est un moment pour prendre des nouvelles des personnes présentes, partager un événement, une émotion, une réussite ou une peine. Pas de liste obligatoire. On parle si on veut. On écoute avec attention. On respecte le rythme de chacun.

On organise la parole : on apprend à attendre son tour, à écouter sans interrompre, à laisser place aux silences. On garde une trace : un mot, un carnet, une chronique orale. Rien ne se perd. Ce qui se dit compte.

Ce rituel permet de renforcer la conscience collective, d’ouvrir un espace de parole sans enjeu, sans injonction. Et c’est dans ces petits riens que la démocratie s’enracine.

Les briefs : organiser ensemble, décider ensemble

Le brief de la semaine, souvent le lundi matin, pose les bases : que va-t-on faire ? Qui fait quoi ? Quels projets en cours ? Quelles nouvelles idées ? Chacun peut proposer, se positionner, prendre une tâche.

Les briefs quotidiens, en début de journée, prolongent ce travail d’organisation : ils permettent de distribuer les rôles, d’ajuster les actions, de vérifier ce qui est prêt, ce qui manque.

C’est ici que la structure devient un lieu collectif, où les décisions sont co-construites. Pas d’organisation imposée d’en haut : une répartition libre, responsabilisante, horizontale. Chacun compte.

Le débrief : apprendre du vécu, construire la mémoire

Après une activité, une sortie, un atelier, nous prenons le temps de revenir ensemble sur ce qui vient d’être vécu.

Ce n’est pas juste un bilan technique. C’est une relecture collective, un espace de recul. On partage les ressentis, les points positifs, les tensions. On en tire des enseignements. On prend note. On écrit une chronique. On archive.

Ce travail de mémoire ancre les apprentissages dans le réel. Il donne du sens à l’action. Il renforce le sentiment d’appartenance. Il transforme l’expérience en ressource.

L’assemblée des présents : démocratie directe du quotidien

C’est l’un des temps les plus forts de la pédagogie sociale. Une fois par semaine, on se réunit. On s’assoit. On prend le temps. On pense ensemble la vie collective.

On appelle cela le conseil coopératif, ou l’assemblée des présents. Ce n’est pas une réunion technique. C’est un espace démocratique, un lieu politique. Chacun peut proposer, critiquer, féliciter. Tout le monde peut intervenir. Tout le monde peut décider.

L’ordre du jour est clair : Qui a une critique ? Qui a une félicitation ? Qui a une proposition ?

La parole est donnée dans l’ordre d’inscription. Les critiques sont signées, justifiées. Pas de dénonciation anonyme. Pas de règlements de compte. Les tensions interpersonnelles sont traitées à part, dans des temps adaptés.

Les critiques sont utiles si elles font avancer le groupe. Les félicitations permettent de reconnaître les efforts. Les propositions deviennent des projets. C’est ici que la vie collective se construit.

Le débat philo : penser pour exister, douter pour apprendre

À intervalles réguliers, nous organisons des débats à visée philosophique. Ils ne sont pas réservés aux savants. Ils ne visent pas la bonne réponse. Ils ouvrent le droit de penser, de questionner, de douter.

Un thème, une question. Et c’est tout. Chacun peut parler, argumenter, écouter. On apprend à nommer ce qu’on pense, à entendre ce que pense l’autre, à prendre conscience de sa propre pensée.

Philosopher, ce n’est pas faire cours. C’est créer un espace où le doute est permis, où l’esprit critique peut s’exercer.C’est un geste profondément démocratique.

Démocratie vécue, démocratie construite

Ces temps simples, réguliers, ritualisés, sont autant d’actes politiques. Ils font émerger une parole collective. Ils permettent à chacun de se sentir partie prenante d’un monde commun. Ils développent des compétences démocratiques : écouter, proposer, décider, réguler.

Et surtout, ils permettent de croire en l’intelligence collective, en la capacité d’un groupe, même très différent, même très abîmé, à faire société ensemble.

Conclusion : pour une démocratie vivable, une démocratie qui soutient les vies

Il ne suffit pas de dire « démocratie » pour qu’elle existe. Il ne suffit pas de voter, de débattre, de siéger pour qu’un peuple soit réellement souverain. Il ne suffit pas de déclarer l’égalité pour qu’elle advienne. Il faut assurer les conditions matérielles, symboliques et sociales de la vie vivable, pour toutes et tous, sans condition.

Judith Butler10 nous le rappelle : certaines vies sont plus soutenues que d’autres. Certaines vies sont exposées, dévalorisées, précarisées, détruites par les politiques publiques elles-mêmes. Ce ne sont pas des vies, dit-elle, parce qu’elles ne peuvent ni durer, ni s’épanouir, ni espérer. C’est ici que commence la responsabilité démocratique : rendre possible la vie. Cela suppose un renversement du regard et des normes. Cela suppose de reconnaître la violence des exclusions, des injonctions, des humiliations. Cela suppose de rompre avec le libéralisme moral qui culpabilise les pauvres et de soutenir concrètement, chaque jour, les conditions de l’existence partagée. La démocratie que nous défendons est vitale : elle protège, elle accueille, elle soutient les corps, elle crée les alliances nécessaires à l’émancipation. Elle est hospitalière, et non triée. Elle est incarnée, pas abstraite. Elle est fragile, mais tenace.

Il y a la dignité. La lutte. Le refus de s’effacer. Pierre Bourdieu11 insiste : il faut aider les précaires, les dominés, les déclassés — actuels ou futurs — à se tenir, à tenir ensemble, à résister à la dégradation de leur image, à se mobiliser. Pas pour se hisser dans l’ordre existant, mais pour le transformer de l’intérieur, depuis les marges, depuis les corps fatigués, depuis la honte retournée en fierté. Ce n’est pas un projet charitable. C’est une tâche politique. Une contre-pédagogie qui refuse l’assignation. Une organisation collective de la conscience et de la résistance. Nous ne voulons pas d’une démocratie désincarnée. Nous voulons une démocratie qui reconnaît les humiliés et les met debout.

Il y a le lien, cette trame invisible et nécessaire. Vincent de Gaulejac12 nous dit que la démocratie se construit par la relation. Pas par des discours, mais par des gestes de solidarité, par des dons sans retour, par la célébration de l’hospitalité comme fondement du vivre-ensemble. Ce n’est pas le bien qui fait société. C’est le lien. Être citoyen, ce n’est pas juste vivre ensemble. C’est changer la société. C’est affronter les rapports sociaux de domination. C’est refuser la banalisation des injustices. C’est construire un monde commun à partir des expériences blessées.

La démocratie que nous appelons est un processus permanent. Elle ne se gère pas, elle ne se décrète pas, elle se fabrique. Par les pratiques. Par les solidarités. Par les rencontres. Par les luttes. Nous la construisons dans la rue, dans les halls, dans les ateliers, dans les conseils coopératifs, dans les cantines de fortune et les débats de fond.
Nous la construisons avec les enfants, avec les oubliés, avec les précaires, avec les résistants du quotidien. Nous la construisons depuis la marge, parce que c’est là que le cœur bat encore. Et si la démocratie devait retrouver un souffle, alors qu’elle commence ici : par une main tendue, une parole rendue, une vie rendue vivable.

  1. Fleury, C. Les pathologies de la démocratie. Paris : Fayard Le livre de poche, 2005 ↩︎
  2. Jacques Rancière. Dans L’Obs du 28 mai 2012. L’élection, ce n’est pas la démocratie ↩︎
  3. Maurel. C. (2010). Education populaire et puissance d’agir Les processus culturels de l’émancipation. Paris, France : L’Harmattan, p 129 à 140 ↩︎
  4. Blondiaux, L. (2008). Le nouvel esprit de la démocratie. Le Seuil, p 49 à 44 ↩︎
  5. Balazard, H. (2015) Agir en démocratie. Les éditions de l’atelier, p 11 à 22 ↩︎
  6. Le Goff, J.P. (2003). La démocratie post-totalitaire. Paris : La découverte/Poche ↩︎
  7. Canto Sperber, M. Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale tome 1. Paris : PUF, 2014, p 462 ↩︎
  8. La définition de Paul Ricoeur reprise par Franck Lepage dans Inculture. L’éducation populaire, monsieur, ils n’en ont pas voulu ↩︎
  9. La République comme idée pure de la raison : Kant. Par Simone Manon, Professeur de Philosophie. 23 mai 2008. http://www.philolog.fr/la-republique-comme-idee-pure-de-la-raison-kant  ↩︎
  10. Butler, J., Worms, F., Le vivable et l’invivable, PUF, 2021 ↩︎
  11. Bourdieu, P., Contre-feux, Tome 1 Propos pour servir à la résistance contre l’invasion néo-libérale, Raisons d’agir, 1998 ↩︎
  12. De Gaulejac, V., La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Points, 2014 ↩︎